Cet avis prendra en compte la saison 1 + les 3 OAV sortis en 2019
Le jeu vidéo et les animes occupent une place importante dans la culture japonaise. Les deux entretiennent couramment des liens étroits. Il arrive par exemple qu’une ouverture de jeu soit réalisée par un studio d’animation renommé ou bien qu’un anime soit produit afin de promouvoir l’œuvre originale. Pourtant si de telles pratiques existent, il est étonnant de noter, à quelques exceptions près, une absence flagrante d’animes traitant de l’univers du jeu vidéo. Dans ce paysage trop peu exploité, High Score Girl offre une histoire unique au public marquée par une douce nostalgie.
Bien plus qu’une simple comédie
L’histoire débute en 1991 (soit à une époque où je n’étais pas encore né), Haruo est un élève passionné voire accro aux jeux vidéo. Il passe le plus clair de son temps dans des salles d’arcade à jouer en grande partie à des jeux de combat et à améliorer ses compétences. Or un jour son égo va voler en éclats lorsqu’il se fait battre par Oono Akira, élève de primaire, intelligente, belle et à qui tout semble réussir.

L’idée au travers des douze épisodes est de suivre l’évolution de ces deux personnages rejoints rapidement par Koharu, dans leur vie quotidienne au fil des mois et des années. En douze épisodes, l’anime centré sur de simples écoliers en primaire, développe les préoccupations et la vie de jeunes lycéens.
On remarque dès lors que l’œuvre se distingue d’autres slice of life (SoL) en brassant en seulement quelques épisodes plusieurs années. En se focalisant seulement sur des moments précis de leur vie et en utilisant intelligemment la technique de l’ellipse, l’auteur propose au public une œuvre vivante et rythmée sans cesse renouvelée, signe d’une parfaite maîtrise de la notion de temps. Le public s’attache aux personnages qu’il voit grandir. L’évolution devient d’autant plus flagrante avec les 3 OAV. L’anime notamment dans ces trois derniers épisodes arbore un ton sous-jacent très sérieux et le développe de manière réaliste et pragmatique en essayant de concilier les divers intérêts en présence. A titre personnel, les trois OAV arrivent à être encore meilleurs que la saison 1 tout en développant l’univers avec l’arrivée de nouvelles têtes.
Pourtant l’entrée dans l’univers de High Score Girl, au-delà de ses graphismes, n’est pas si évidente car dans le premier épisode les deux personnages ne s’apprécient guère. Haruo apparaît comme désagréable et hurle souvent, Akira en réponse le frappe couramment (…), en bref un épisode assez virulent. De plus, ce début est largement dominé par le genre comique et SoL. A titre personnel, cet épisode était probablement le moins plaisant à regarder.

Toutefois, il est impératif de ne pas se cantonner à un seul épisode. Effectivement l’épisode 02 et 03 proposent une fenêtre de l’ensemble des attraits de l’anime. Reprenant les codes de la comédie, High Score Girl propose diverses situations comiques centrées toujours autour de Haruo. Si la comédie et le SoL sont majeurs dans le premier épisode, par la suite les deux s’écartent partiellement pour faire de la place à la romance et au drama. C’est ce quatuor de genre, leur alternance et exécution qui donnent à cet anime toute sa saveur. Il serait même intéressant de relever que l’anime brille encore plus dans la romance et le drama.

Assez vite Koharu, fille du même âge que Haruo rejoint le casting. Non violente, ni muette (ce qui est le cas de Akira qui est très réservée), assez distante dans sa relation avec Haruo, elle diversifie l’expérience proposée. Si Haruo et Oono semblent avoir des sentiments l’un pour l’autre, Koharu de son côté est amoureuse de Haruo.
Cette attirance non réciproque ajoute une touche de drame et crée de l’empathie envers ce personnage. L’aspect romance à l’image de l’anime est correctement dosé. Touchant et mignon, sans pour autant être niais ni enfantin, l’anime arrive à retranscrire de manière simple mais étonnamment plaisante à suivre, les sentiments amoureux de chaque personnage.
Si l’œuvre commençait déjà à sentir bon, c’est sans compter sur l’aspect drama sensibilisant et émouvant le public sur le rude quotidien de vie de Akira. Appartenant à une famille riche et encadrée par un professeur personnel sévère, les moments de détente et de plaisir sont rares pour la jeune fille. La salle d’arcade représente ce lieu détaché de la réalité où elle peut décompresser. L’auteur propose ainsi de suivre la relation d’Oono et d’Haruo au grès des séparations et interdictions.
La nostalgie du gamer
Evoquer une nostalgie alors même que je n’ai pas connu cette époque ni cet environnement basé autour de salles d’arcade semble étrange. Et pourtant, c’est là tout le talent de Rensuke Oshikiri qui arrive à toucher le spectateur grâce au rétrogaming. A l’instar de la vie en société, la façon de jouer a évolué au fil des années se tournant vers l’individualisme et l’éloignement. L’arrivée du online et des modes de communication avec, l’incontestable hausse du niveau de vie depuis 1990, l’évolution des mentalités, le rôle des politiques (…) sont divers facteurs qui ont poussé à ce changement. Bien entendu, aller jouer chez son voisin, sortir pour jouer ou autres pratiques n’ont pas disparu, mais elles sont moins fréquentes qu’auparavant.

Découvrir ainsi une histoire où les personnages se retrouvent autour d’une borne d’arcade et vont se créer des liens pose à réflexion. J’irai même jusqu’à dire qu’on envie les personnages de l’anime qui prennent du plaisir ensemble, de manière simple, ludique et sociale. On pourrait peut-être également expliquer cela en ce que l’auteur maîtrise à la perfection son sujet (notamment les jeux de combat). Qu’on soit novice ou bien amateur dans le domaine des jeux vidéo de l’époque, le titre ne nous perd pas dans des grands développements et arrive à distiller plusieurs points de culture générale un peu partout dans chaque épisode.
Au-delà de ces considérations, cette nostalgie se retrouve grâce à de simples éléments : l’arrivée des premières consoles des éditeurs, les premiers jeux en 3D, le premier opus de licences qui deviendront cultes, le poids considérable des salles d’arcade avant les années 2000, la place majeure de la pièce de 100 yens pour jouer à un jeu (qui a aujourd’hui perdu de sa superbe avec l’arrivée des moyens de paiement électronique au Japon dans le début des années 2010).
Sans forcer dessus, l’auteur arrive à souligner les difficultés passées mais toujours d’actualité : le problème entre études et jeux, le possible isolement du gamer, le regard des autres, l’optimisation de l’argent de poche/du salaire pour jouer plus, la violence et le jeu vidéo, le jeu vidéo en tant que loisir, l’intolérance en la matière… Pour autant Rensuke Oshikiri ne tombe pas dans les travers courant d’une histoire moralisatrice. Il aborde ces divers aspects de manière avant tout descriptive et plaisante. Le personnage du gamer est nuancé. L’auteur s’éloigne d’ailleurs des stéréotypes en mettant en avant les gameuses, s’éloignant des clichés parfois dressés de la gente féminine.
Entre 2D et 3D

Être sceptique en sachant qu’il y a de la CGI dans High Score Girl est normal. Et pourtant, le titre propose un rendu globalement très satisfaisant. Il faut tout d’abord savoir que l’anime marie des techniques 2D et 3D, notamment pour les personnages.
C’est étonnant de voir à quel point les deux s’harmonisent bien. En adoptant une direction artistique et un trait « très cartoon », l’intégration des personnages dans des décors relativement simplistes semble naturelle. J’apprécie particulièrement cette DA avec sa palette de couleurs, les traits précis et marqués des personnages.
Malgré que l’animation manque légèrement de fluidité et semble un peu rugueuse, l’anime propose des séquences réelles de jeux vidéo ravivant notre âme d’enfance. Aussi bien lorsque le jeu est lancé ou bien dans l’imaginaire de Haruo, ces séquences (et diverses intégrations rétro 2D), accompagnées de leurs bruitages correspondants, seront toujours appréciées. Dans cette même optique, la réalisation est tout au long très brute.
Ma plus grande réserve avant de commencer l’anime concernait les expressions faciales. Finalement, elles sont réussies et les scènes d’émotion conservent tout leur charme grâce à des personnages très expressifs et une bande-son composée par Shimomura Yoko (série Kingdom Hearts, Final Fantasy XV etc.).

Conclusion : Une douce comédie romantique convoitant le meilleur score
