Les T-RPG militaires ont toujours eu une histoire mouvementée, même Fire Emblem n’y a pas échappée. Cette année en Europe, un vénérable jeu revient sur la scène. Si comme moi vous avez grandi avec les licences Fire Emblem et Advance Wars en matière de tactical, il est possible d’être passé à côté de cette licence iconique. Encore une fois, on ne peut que trop se réjouir d’avoir la chance de découvrir le jeu presque 30 ans après avec un remastered.
Une histoire sanglante de pouvoir et têtes couronnées aux multiples fins
Il y a longtemps, une terrible guerre a eu lieu afin d’acquérir une épée légendaire, dont le porteur détiendrait un pouvoir illimité. Le sang de ceux ayant juré de la protéger ainsi que celui de ceux ayant voulu s’en emparer à été déversé sur les champs de batailles d’El Sallia.
Cette épée légendaire est connue sous le nom de « Langrisser ». Parmi ceux ayant juré de la protéger se trouve la famille royale de Baldea, qui l’a protégée du reste du monde durant de nombreuses générations. Grâce à cette famille, la légende de l’épée disparut rapidement des mémoires…
Cependant, le devoir de la famille Baldea devra à nouveau être mis en action. Motivé par le pouvoir et l’envie de gouverner le monde, Kaiser Digos et l’empire Dalsis qu’il commande, envahissent Baldea, à la recherche de l’épée légendaire.
: Cela fait plusieurs siècles que la guerre de l’épée sacrée a rasée El Sallia. Désormais, une violence incessante sévit sur le continent. Des batailles isolées éclatent à travers tous le pays, ravageant des villes et des nations, avant de passer au suivant.
Le royaume de Baldea n’est plus qu’une légende, et Langrisser n’est rien de plus qu’un conte de fée.
Un jeune voyageur, nommé Elwin, parcourt la terre avec Hein, un mage amateur qu’il a rencontré lors de ses voyages. Un jour, au cours leurs voyages, ils décident de passer la nuit dans une auberge située dans le village natal de Hein, un petit village nommé Salrath. Au milieu de la nuit, Hein fait irruption dans la chambre d’Elwin, pâle comme une lune. Il affirme que les forces de l’empire Rayguard ont été vues à la périphérie du village. Ils recherchent Liana, une jeune fille vivant au village.
Quelles affaires l’empire pouvait-il avoir avec un village aussi paisible que Salrath et une fille sans défense ?
Sorti initialement en 1991 sur Mega Drive, Langrisser était connu comme le concurrent de Fire Emblem sorti un an plus tôt. Les deux visaient la même part du marché et avaient de nombreuses ressemblances, aussi bien dans leur histoire que narration. Dans le premier épisode, un certain prince s’enfuit face à son château assiégé afin de recruter des alliés pour reprendre son domaine et affronter par la suite des forces obscures avec au centre un emblème de pouvoir, ici Langrisser.
L’histoire est relativement épurée et avance au fur et à mesure des batailles. Les personnages sont rapidement introduits et présentés afin de ne pas accaparer trop de place.

Dans Langrisser, les personnages féminins ont une personnalité et un rôle fort, presque avant-gardiste pour les années 90 en matière de jeux vidéo japonais. A travers ce remastered, on retrouve l’essence originelle des tactical avec un jeu dynamique mettant en avant l’histoire et surtout les batailles. Quand on sort d’un Fire Emblem Three Houses et qu’on pose les mains sur un tel jeu, c’est une petite bouffée d’air frais.
A l’époque, l’atout majeur de Langrisser était d’avoir un scénario avec des fins multiples. En remplissant ou non certaines conditions, le joueur avance dans une route et se « crée » sa propre histoire avec une fin unique. Les événements cardinaux sont cachés et il faut terminer le chapitre pour connaitre la nature de l’événement en question. C’est bien pensé pour conserver une part de surprise. En tant que premiers opus de cette série et avec un certain âge, le jeu n’a pas à rougir face aux jeux d’aujourd’hui comme Fire Emblem Three Houses et ses 4 routes. Certes, c’est moins nuancé et détaillé mais c’est plus varié. Le joueur peut devenir le bon samaritain, un tyran voire la représentation du Chaos annihilant de fait toute forme de vie. On ne peut dissimuler le plaisir de jouer un personnage principal empruntant un chemin sombre et la jouissance que cela procure. La magie après 30 ans opère toujours.
Toutefois en analysant chacune des fins (aussi faut-il avoir joué intégralement au jeu), on se rend compte fatalement que le jeu crée parfois des routes superficielles. Exemple avec Langrisser I qui propose des routes A et B, C et D, G et H quasiment identiques.

De plus, les changements dans le scénario apparaissent parfois non totalement compréhensibles et justifiés par la modification de l’événement en cause particulièrement dans Langrisser I. En quoi cet événement est déterminant et change certaines actions futures ? Le jeu reste à de rares reprises, muet sur la chose et donc peu convaincant.
Le joueur peut en conséquence facilement se lasser avec des histoires n’offrant qu’une ou deux singularités notables dans l’histoire. Faire le jeu huit fois à partir des embranchements déterminants, représente la moitié du temps une redite particulièrement lassante.
La façon de revenir aux chapitres en question est également questionnable. Revenir dans le passé, c’est faire un trait sur les événements présents. Même si le joueur peut décider ou non de garder son expérience, argent, équipement, cela l’oblige à manier avec subtilité l’arbre scénaristique et les emplacements de sauvegarde. Pour débloquer la difficulté supérieure, il faut en outre terminer le jeu une première fois. Langrisser dans sa difficulté classique n’est pas spécialement difficile vu que le permadeath n’existe pas. Même sans cet ajout, Langrisser I reste accessible à tous vu qu’aucun de mes commandants n’est jamais mort sur le champ de bataille.
Concernant Langrisser II, le bilan est meilleur. Le jeu est un tout petit peu plus dur afin de donner plus de challenge. L’arbre scénaristique est plus étoffé et le scénario lui-même semble mieux écrit et ficelé que le premier jeu. Ainsi Langrisser II se bonifie de manière discrète sur de nombreux aspects.
A la frontière entre Fire Emblem et Advance Wars Dark Conflict
Utiliser ces deux jeux comme référence permet de mieux saisir le gameplay, qui plus est Advance Wars est l’une de mes séries de cœur.
A l’image de Fire Emblem, le joueur dispose sur la map de puissants personnages (des commandants). Selon l’embranchement choisi, les personnages seront différents. Les alliés pourront devenir des ennemis et inversement. Chacun dispose de ses propres statistiques et classes. C’est au joueur de décider via un arbre de classes, le cheminement de son personnage au fil du jeu et quelle sera ainsi sa classe finale. Les choix sont assez variés et donne l’impression de créer sa propre armée. En optant pour une classe, le personnage débloquera des nouvelles compétences, une augmentation de statistiques et enfin de nouvelles troupes.
Effectivement, à l’instar d’Advance Wars, le joueur peut ajouter sur la carte des troupes lambda (lanciers, cavaliers, troupes ailées, marines etc.). Ici pas d’usine, c’est dans les préparatifs d’avant combat qu’il faut décider qu’elles seront les troupes qui accompagneront chaque commandement. Chaque troupe a un coût en argent. Une fois morte, celles-ci ne reviennent pas dans le chapitre. Il faut donc être prudent, d’autant plus que si le commandant meurt, toutes les troupes attachées décèdent avec lui.

La référence à Advance Wars Dark Conflict est voulue car chaque commandement bénéficie d’une zone autour de lui où ses troupes deviennent plus puissantes et résistantes. En se plaçant à ses côtés, les troupes regagnent aussi des PV en début de tour. Utiliser avec intelligence cette zone et se placer en conséquence est essentiel dans le jeu.
Le triangle des armes propres à la série Fire Emblem est également présent dans le jeu et on ne sera pas non plus dépaysé ici. A chaque niveau d’expérience, les combattants deviennent plus forts et débloquent des CP qui seront dépensés pour augmenter leur classe. Le commandant qui aura défait le plus d’ennemis peut également en gagner des bonus à la fin de la bataille. En plus de tout cela, entre chaque bataille, le joueur peut faire ses emplettes : armes, tenues ou accessoires.
Le gameplay est bon et le système de personnalisation suffisamment poussé. La gestion de l’argent est intéressante dans ce jeu. Ne pas dépenser à chaque fois son argent dans la boutique ou bien faire quelques concessions sur les troupes présentes autour des commandements donne un peu plus de saveur et de pragmatisme à cette guerre. Les batailles sont dynamiques et agréables à faire grâce à plusieurs rebondissements (apparition d’ennemis et trahison). Cela oblige à revoir sa formation et répartir autrement ses troupes. Comparé au premier épisode, Langrisser II propose quelques éléments ou événements nouveaux revivifiant l’expérience de jeu lors des batailles et perfectionne ainsi les combats de son aîné.
Un remastered à l’ambition limitée
Si les qualités intrinsèques du jeu en font un bon investissement qui occupera aisément 60h le joueur souhaitant avoir toutes les fins, la refonte du jeu est un peu plus mitigée. Il est évident qu’un travail important a été réalisé, plus qu’une simple amélioration des graphismes. Le jeu est plus ergonomique et accessible.
En allant dans les options, le joueur peut opter pour la version remastered, classique, classique map ou classique personnage. Pas de DLC ici comme nos amis japonais, tout est heureusement gratuit. Deux propositions sont également offertes au joueur pour la bande-son : entre la version moderne plutôt bien faite et celle des années 1991-1994. Quel que soit le choix, la musique de Langrisser I tourne un peu trop en rond tandis que Langrisser II est bien plus variée. Les bandes-son du talentueux Noriyuki Iwadare, rappelé pour la version moderne, comprennent de bonnes pistes mais ne sont pas assez nombreuses. Il est dommage aussi de n’avoir que ces choix en matière de composition sachant que le jeu a connu beaucoup plus de versions que cela.
Néanmoins, cette diversité proposée au joueur est très appréciable. Même si je découvre l’œuvre avec ce remastered, les anciens designs de Satoshi Urushihara ont plus de caractère. Ceux de Ryou Nagi sont probablement plus génériques au vu de notre époque. A l’inverse le voice acting des nouveaux seiyuu colle mieux avec celui des nouveaux designs.
Plutôt joli en 1991, le remastered est nettement plus timide et moins ambitieux. Langrisser I et II fait penser à un jeu sur mobile (comme c’est étrange il y a un jeu Langrisser sur mobile…). Les décors ne sont pas notables, les combats sont médiocres et un poil long incitant de fait le joueur au bout de quelques heures à les passer.
Concernant la mise en scène dans le jeu, celle-ci est trop rudimentaire. Dans la version classique, la discussion entre les personnages comprend un layer (une couche dans l’image de gauche) qui cache étrangement la partie basse des personnages. Le jeu globalement manque d’artwork, de sprites de personnages avec plusieurs expressions, d’effets spéciaux, de parties animées et d’une meilleure mise en scène. Un personnage peut mourir ou se faire poignarder, on le comprendra seulement avec le texte écrit. Le jeu n’incite pas suffisamment le joueur à s’immerger dans cette histoire.
Les temps de chargement de sauvegarde sont anormalement longs pour un tel jeu. La possibilité de terminer le tour sans avoir bougé toutes ses troupes fait que l’IA le fera elle-même en les plaçant autour du commandant. Bien qu’intéressant, les troupes lambda sont assez idiotes et ne prendront pas en compte les murs et certains éléments du décor donnant souvent des situations absurdes où des troupes sont à la ramasse et ne contournent pas un élément… En parallèle, l’IA ennemie est également un peu simplette avec des failles de comportement que le joueur utilisera sans culpabilité.

Conclusion
PLUS
+ Une histoire concise aux fins multiples
+ Des affrontements nerveux et tactiques
+ Un système de commandant et un gameplay efficaces
+ Une licence plus accessible
+ La personnalisation des personnages
+ Version classique ou remastered
+ Le retour inespéré (certes en anglais) d’un jeu iconique !
+ Le voice-acting
MOINS
– Trop d’embranchements superficiels et un sentiment de redite
– Un voyage dans les timelines à peaufiner
– Difficulté supérieure débloquée plus tard
– Graphismes et mise en scène peu ambitieux
– Problème d’IA et temps de chargement
– Bande-son qui tourne en rond

Le jeu a été testé à partir d’une version éditeur ps4 délivrée par Koch Media.