Débuté il y a plus de 15 ans, la série des Trails ne cesse de s’étoffer et de prendre de l’importance au point même de supplanter la série originelle mère des Legend of Heroes. Pour rappel, Legend of Heroes : Trails est composé chronologiquement des trois épisodes Trails in the Sky disponibles en anglais, de Zero et Ao no Kiseki uniquement sortis au Japon et des quatre épisodes de Trails of Cold Steel.
Alors même que des titres majeurs tels que Persona 5 n’ont aucune traduction française, Trails of Cold Steel III a la chance inespérée d’être traduit intégralement. Malgré quelques soucis et erreurs, cette traduction n’en reste pas moins salutaire et exceptionnelle vu la taille du script du jeu.
Le retour d’un format connu
Après avoir mis un terme à la guerre civile et terminé ses études, Rean devient instructeur au Campus II de l’Académie de Thors. Plusieurs mois se sont écoulés entre Cold Steel II et Cold Steel III, les anciens élèves diplômés sont remplacés par de nouveaux visages. Plusieurs événements majeurs non contés ont même eu lieu tels que l’annexion de l’Ambria du Nord. Dans cette époque de conquête, de tension avec la République et d’affaiblissement de la noblesse en Erébonie, Rean et la classe VII (nouveaux élèves comme anciens) vont devoir faire face à la Société et à divers antagonistes comme les Jaegers (mercenaires).

Trails of Cold Steel III reprend une structure semblable à Trails of Cold Steel I rythmée par le format académique. En général, chaque chapitre sera divisé en deux temps : la vie à l’école suivi d’opérations spéciales sur le terrain. Qui dit même squelette que Trails of Cold Steel I, dit forcément même défaut : la redondance.
Il est évident qu’un cycle s’instaure très vite avec une structure trop répétitive et forcément prévisible. C’est seulement comme d’habitude à la fin que le jeu s’émancipe de ce cadre trop rigide pour laisser place à l’inconnu total.
Fort heureusement, si le jeu est répétitif dans sa structure, les surprises sont monnaie courante dans chaque chapitre lors des opérations spéciales. Dès la fin du Chapitre 1, le joueur comprend que toutes ces certitudes doivent potentiellement être remises en question. Les fins de chapitre sont encore très attendues car étant en général fiévreuses et denses.

Le scénario des Trails qui occupera le joueur des dizaines d’heures est toujours aussi intéressant et bien ficelé. La politique, la guerre et le terrorisme sont trois constantes qui ont fait la force de la saga. Ces dimensions sont employées avec profondeur et subtilité afin de créer un scénario unique et une narration captivante.
Le mystère et suspens sont conservés jusqu’à la fin. On reprochera même au jeu d’un peu trop forcer sur la corde et de garder à tout prix des éléments pour la fin, au point de rendre le scénario, dans les derniers chapitres précédents l’épilogue, parfois légèrement contrariant et artificiel. Conséquence de cela : l’épilogue devient totalement jouissif tant les rebondissements, révélations et scènes exaltantes s’accumulent. En termes d’intensité, cet épilogue surpasse ceux des épisodes précédents. Et pourtant, nombres d’interrogations et d’incompréhensions sont toujours laissées en suspens.
La richesse et l’éclat de l’univers Trails
La saga Trails est sans aucun doute l’un des JRPG avec le plus grand univers à ce jour créer et exploiter. Chaque épisode enrichit toujours plus l’univers créé par Trails in the Sky 1st. Saisir toutes les références, connaitre le passif des personnages des précédents épisodes, avoir vécu les événements contés etc. donne une toute autre saveur au jeu. Trails of Cold Steel III n’est en effet pas si évident à suivre tant il reprend des éléments et personnages de tous les opus précédents.
Le casting du jeu est imposant et présage une sélection encore plus importante pour le prochain Cold Steel. Empreint de traits de caractère assez clichés, chaque personnage a pour autant un background substantiel et des nuances appréciables. Cet épisode est l’occasion d’approfondir d’anciens personnages, allant des principaux à de simples figurants dans les anciens jeux et de découvrir de nouvelles têtes et histoires. Le beau rôle est également donné aux antagonistes, loin de représenter l’archétype des méchants. Le camp des opposants, qui est déjà difficilement délimitable, est très hétéroclite et complexe.
Enormément de soin est apporté à l’univers. Des dizaines de livres sont présents dans le jeu : certains comme simples résumés, quelques-uns comme des histoires fictives ou bien d’autres comme des compléments à l’histoire principale. Le jeu contient d’ailleurs un rapport des personnages avec diverses informations sur chacun que le joueur doit trouver tout au fil de l’aventure. Les quêtes annexes enrichissent parfois aussi les personnages et se caractérisent bien souvent comme un complément agréable et instructif au scénario principal.
Le dernier point le plus parlant est le poids et la profondeur des PNJ dans le jeu. On est loin des RPG où les simples figurants et passants possèdent des lignes de discussion vides ou fades. C’est un plaisir de prendre le temps de parler aux personnages. Bien souvent la discussion est intéressante. De plus, chaque PNJ fait l’objet d’un suivi plus ou moins poussé. Selon le moment de la journée, leur ligne de dialogue sera différente. Certains sont même plus importants, voyagent dans le continent et on les retrouve souvent. Ainsi au sein d’un seul jeu se trouve un foisonnement, bien que mineures, d’histoires propres au PNJ. Rares sont les jeux qui poussent le détail aussi loin.
Élève tu as été, Enseignant tu seras
Dans cet opus, Rean devient instructeur de la classe VII composée de Juna, Kurt, Altina qui seront rejoints plus tard par Muse et Ash. Même si le rôle d’enseignant apporte divers changements par rapport au statut d’élève, on retrouve un certain nombre de constantes.

Pour résumer, Rean fera sa ronde le samedi soir. Le dimanche sera dédié au quartier libre : quêtes annexes dans le campus et l’utilisation des points d’affinités (en somme une seconde tournée du campus), entrainement dans le fortin, dans la même veine que l’Old School, pour terminer dans la soirée avec une dernière ronde.
La semaine qui suit permettra d’entrainer les élèves au maniement des Panzers et de se consacrer aux opérations spéciales en fin de semaine. Comme à l’accoutumé ces opérations seront réparties sur plusieurs jours avec des quêtes principales et facultatives à faire. Ces missions seront l’occasion de retrouver à chaque fois les anciens élèves de la classe VII et d’autres personnages de la saga.
L’approche du jeu est assez semblable aux précédents épisodes : Rean reste une aide, un ami et un confident proche avec les autres personnages. Mais il endosse en plus la fonction d’enseignant et agit de la sorte. Novice en la matière, on découvre un Rean qui parfois fait des erreurs et apprend de ses dernières. C’est un rapport mutuel constructif intéressant à suivre qui s’établit entre lui et ses élèves.
L’aboutissement d’un gameplay complexe suréminent
Il est osé d’affirmer une telle vérité sachant que je n’ai pas encore joué à Trails of Cold Steel IV et que les prochains épisodes feront peut-être mieux. Pour autant, quiconque aura joué au jeu et consacré du temps aux précédents épisodes pourrait se poser cette question sur le moment : n’a-t-on pas atteint le sommet de ce système de combat voire même une forme de perfection, fruit de longues années de travail et recherche de la part de Nihon Falcom ?

Dans le jeu, les combattant réalisent leur action à tour de rôle en respectant l’ordre de bataille. Le joueur peut attaquer normalement, fuir, se déplacer, utiliser un consommable, un art, un craft ou bien un ordre. Le combat est rythmé par les tours d’action (TA), dépendant de la vitesse de chaque personnage et des actions utilisées.
Assez compliqué au premier abord et nécessitant un peu d’entrainement concret, comprendre la mécanique de la TA revient à maitriser le déroulement du combat. Pour schématiser simplement les options :
– Les Crafts nécessitent des PC (Points de Craft) qui se régénèrent en infligeant et subissant des dégâts. Chaque personnage possède des Crafts qui lui sont propres. Les S-Craft (Super Craft) sont des techniques de combat ultra puissantes qui utilisent tous les PC.
– Les Arts prennent du temps pour être lancés (un certain nombre de TA) et consomment des PE lors de leur utilisation. A l’inverse des CP, les EP ne se régénèrent pas automatiquement.
– Nouveauté de ce troisième opus, les ordres font bénéficier les alliés d’effets spéciaux sans utiliser de tour. Ils consomment des PB obtenus en déséquilibrant les ennemis. Loin d’être inutiles, les ordres sont une mécanique de gameplay que le joueur se doit d’utiliser couramment.
Le système de combat des Trails of Cold Steel III est d’une telle complexité qu’il peut faire peur aux nouveaux venus. Entre lien tactique, rush, types d’armes et déséquilibre, altérations d’état, bonus TA, efficience élémentaire, permutation, changement de mode d’arme (nouveauté propre à Juna), il faudra au joueur un petit temps d’adaptation pour maitriser pleinement tout cela. Le jeu, en plus des ordres, intègre également un nouveau système de rupture et d’exaltation de boss renouvelant l’appréhension des combats.
Evidemment compliqué, le système de combat est toutefois maîtrisé de bout en bout. Rien n’est laissé au hasard. De plus, même si le tour par tour laisserait penser le contraire, le système de combat est dynamique et fluide. Le joueur prend un réel plaisir durant les affrontements et encore plus contre les combats de boss. Jouer dans une difficulté élevée oblige à maîtriser parfaitement toutes ces mécaniques et procure des sensations incroyables.
L’union de Mecha fait la force

Introduit à l’état embryonnaire à la fin de Cold Steel I, perfectionné avec Cold Steel II, les combats de mecha sont de retour. Si le système de combat classique a fait l’objet de modifications assez importantes, celui des Panzers est identique à Trails of Cold Steel II. Auparavant seul contre les ennemis, Trails of Cold Steel III permet de contrôler jusqu’à trois Panzers sur le terrain.
L’expérience de jeu est ainsi renouvelée sachant que chaque robot possède ses propres crafts. Comparé à Cold Steel II, le jeu pousse le joueur a adopté une approche plus globale et collective du combat, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Ces affrontements de mecha permettent de diversifier l’expérience de jeu et de réfléchir autrement. Ils sont plus posés et assez longs. Patience et prudence sont de mises.
Se préparer pour survivre
Sen no Kiseki III ne déroge pas à la règle et offre au joueur avide de personnalisation une expérience riche et poussée.
De manière classique, les équipements sont la première manière d’optimiser les personnages. La sélection des personnages qui prendront part au combat et ceux en réserve serait en principe un point passé sous silence, mais dans Cold Steel III, le joueur se tritura souvent les méninges face au large casting disponible. En plus des crafts et des ordres propres à chacun déjà mentionnés, chaque personnage a des statistiques différentes et un type d’arme variable. Les développeurs arrivent toujours d’ailleurs à nous surprendre par l’originalité et le design des armes proposées. L’emplacement et le choix des liens entre personnages sont également des possibilités bien souvent sous-estimé.
Enfin, la spécificité de Sen no Kiseki en matière de build se nomme l’Orbalis (Argus). Chaque personnage possède un Orbalis tactique auquel on peut ajouter un quartz cardinal et un quartz auxiliaire (nouveauté de Cold Steel III). Tandis que le Quartz cardinal a une importance majeure en augmentant les statistiques, débloquant des arts et offrant des capacités (exemple augmentation automatique des PC), le Quartz auxiliaire impacte légèrement sur les statistiques, débloque des arts de la même manière que le cardinal et offre un nombre limité de capacités. Mélanger les 28 quartz du jeu et décider ensuite lequel sera cardinal et auxiliaire permet de créer une multitude de combinaisons. En plus de ces quarts majeurs, chaque Orbalis tactique dispose de 7 emplacements pour insérer des quartz normaux. Il en existe des dizaines avec des effets variés.
Avec tout ceci, le joueur passera facilement plusieurs heures dans les menus pour personnaliser son équipe et tester diverses combinaisons sachant qu’elle varie assez souvent entre les chapitres. On se passionne à perdre du temps et à créer son équipe la plus optimale à chaque instant.
On reprochera tout de même encore une fois à Cold Steel de rendre trop puissant le « build esquive ». Seuls les vétérans comprendront la chose, mais il serait intéressant de mieux proportionner les objets/arts en question et de réduire l’effet de l’art éclat. Il est évident que le mode Nightmare perd un peu d’intérêt quand les personnages évitent quasiment toutes les attaques. De légers ajustements pour éviter des combos de personnalisations suréminents seraient ainsi bienvenus.
Rean, agent classe VII à tout faire
Ame charitable, Rean est débordé par les demandes à tel point que quelques quêtes annexes auront peu d’intérêt, d’autres seront un peu dissonantes au vu du contexte ou du moment. En plus de ces quêtes à réaliser pour atteindre le rang d’instructeur S, des éliminations de monstre et des rendez-vous avec des personnages, le jeu offre d’autres distractions plaisantes.

La pêche, incontournable depuis Trails in the Sky, est en effet un loisir transmis de génération en génération. La manière de pêche a été revue, il est même possible d’améliorer sa canne. Il faut mentionner également la création d'une multitude de plats et la recherche des recettes éparpillées dans le jeu.
En plus de connaitre ses alliés (rapport de personnage), il est important de considérer ses ennemis. Le carnet de combat permet de renseigner toutes les informations sur chaque ennemi rencontré (bestiaire). Collectionner tous les livres, être photographe ou bien indic à potins sont d’autres distractions présentes dans le jeu. Si tout cela n’était pas suffisant, il manquait simplement l’objectif de devenir le meilleur duelliste. Le jeu de cartes a été totalement revu. Quand bien même un peu aisé, Vantage Master est bien mieux pensé que son prédécesseur et il est difficile de ne pas l’apprécier. Les activités sont ainsi nombreuses et occuperont le joueur plusieurs heures.
Des progrès techniques accompagnés de milieux toujours trop rudimentaires
Depuis Cold Steel I, les développeurs ouvrent doucement leurs environnements extérieurs pour réduire l’effet linéaire. L’exemple le plus parlant sont les plaines du Nord dans Trails of Cold Steel I et II. Seuls les donjons conservent cet aspect purement linéaire.
Pour autant des remarques peuvent être émises sur les environnements extérieurs aux villes. Il serait intéressant d’avoir un peu plus de dimensionnalité et d’interactions. De plus, quelques événements ou choses à réaliser ne seraient pas non plus de refus. L’idée nouvelle de prendre des photos en plus des coffres à ouvrir et de la pêche est intéressante et plutôt sympathique. Cela diversifie les choses à faire. En bref, plus de diversité, d’originalité et d’imagination seraient intéressantes.
L’illustration qui me chagrine le plus est la conception des donjons dans Trails of Cold Steel III. Il y a clairement mieux à faire qu’appuyer sur un bouton, monter une échelle et passer dans une grille d’aération. Les énigmes en général sont assez simplistes. La saga donne depuis quelques années une impression de stagnation en la matière même si elle dissémine quelques rares pistes très intéressantes comme la possibilité d’alterner entre deux équipes pour avancer dans un donjon.
Ceci étant dit, rappelons maintenant que Nihon Falcom est une petite équipe composée d’une soixantaine de personnes qui réalise un travail remarquable pour sa taille. Le bond graphique avec les précédents épisodes est indéniable. Certes des améliorations restent toujours à faire sur les environnements, certaines textures (…) mais le jeu est plutôt joli et agréable pour un JRPG. Il est toujours très fluide en combat, pour le reste également sauf à certains endroits/villes.
Pour terminer à l’image des précédents épisodes, la mise en scène reste très singulière, quelque peu mollassonne et contemplative. Elle se décline par des plans de caméra bien trop lents afin de contextualiser diverses séquences.
Le savoir-faire reconnu de la Falcom Sound Team jdk
Leur expérience et talent ne sont plus à prouver. La team interne de Nihon Falcom est de retour pour signer une bande-son de qualité. Variés et nombreux, les OST accompagnent à merveille ce nouvel opus. Plusieurs pistes sortiront évidemment du lot telles que la musique de Hamel, toujours aussi poignante, remise au goût d’aujourd’hui ou bien celle de la ville de Raquel avec une touche très jazzy et cosy.
Un certain changement mérite d’être relevé concernant l’Opening. Kanako Kotera, artiste vedette de Falcom est remplacée par Megumi Sasaka qui avait fait ses débuts sur Tokyo Xanadu ou Sora no Kiseki SC Evolution. Certains s’attristeront de ce changement, pour autant la prestation de Megumi Sasaka est très bonne. De plus, Trails of Cold Steel III a le privilège d’avoir un Opening animé décemment du début à la fin, à l’opposé des épisodes I et II.

Conclusion : un épisode toujours plus dense et addictif
PLUS
+ Un scénario académique, politique et militaire profond et envoutant…
+ L’art des rebondissements et révélations…
+ Un casting incroyable bien exploité
+ La richesse de l’univers Trails et le soin apporté aux PNJ
+ Un gameplay dynamique et complexe
+ Les combats de Panzer variant l’expérience de jeu
+ Personnalisation et le système Arcus
+ Bande-son composée par la Falcom Sound Team jdk
+ Durée de vie colossale
+ Une fin abrupte forte en sensations
MOINS
– Une sensation de redondance et de linéarité dans la structure du jeu
– Légèrement artificiel et poussé
– Techniquement un peu faible malgré de nets progrès
– Quelques quêtes annexes inconsistantes
– Environnements toujours un peu trop rudimentaires et linéaires
– La conception et le level design de certains donjons à revoir
